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Une nécessaire convergence des moyens

Pour mener à bien les projets d’innovation, la mutualisation des moyens et les partenariats s’avèrent la meilleure solution.

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En prenant toute la mesure des enjeux de l’innovation, il se révèle indispensable qu’elle soit au cœur de la stratégie et du fonctionnement de ceux qui la mènent. Et selon notre baromètre Agrodistribution-ADquation (voir ci-contre), 30 % des agriculteurs estiment que les chambres sont les mieux placées pour les accompagner dans la mise en place de nouvelles pratiques et de solutions agronomiques (39 % dans le Centre). Arrivent ensuite les distributeurs, cités par 27 % d’entre eux (40 % dans l’Ouest).

Des besoins humains et financiers

Quel que soit le type de structure, l’innovation nécessite des ressources humaines et financières. Ces différentes structures, dont la distribution, se doivent alors d’affecter ces ressources pour répondre aux nouveaux besoins, mais également de revoir une partie de leur stratégie. « Il y a une réallocation des ressources. On faisait les tests phytos, aujourd’hui, on met ça de côté. Par contre, il faut prendre des décisions et on réoriente nos forces vives sur les sujets d’actualité en lien avec les demandes des agriculteurs, comme les nouvelles cultures ou la méthanisation. Et pour nos équipes, c’est plutôt intéressant, c’est ça l’innovation », témoigne Christophe Richardot, de Dijon céréales.

Xavier Reboud, de l’Inra, s’interroge pour sa part sur la meilleure façon d’intégrer l’innovation à la stratégie de la distribution : « ça coûte cher de faire de l’expérimentation, alors pourquoi la faire ? Est-ce que c’est pour trouver de nouveaux débouchés ? Pour fidéliser des adhérents ? Pour jouer la mission d’interface ? Et donc comment fait-on pour que ce soit rentable ? »

Lorsqu’une entreprise se lance dans des projets d’innovation, elle doit délimiter un cap et certaines limites pour ne pas se perdre. « Il est nécessaire de bien choisir les personnes, mais aussi d’établir des priorités entre les différents projets, explique Michel Bottollier, du réseau Étamines. Ensuite, l’échec fait partie de l’expérimentation, il faut donc l’intégrer. Jusqu’où on va et quand est-ce qu’on abandonne ? Il y a quand même des limites et c’est là qu’on doit être vigilant. »

Une nécessaire mutualisation

À l’instar d’agriculteurs désireux d’innover et ayant déjà bien avancé dans la mutualisation des moyens et la multiplication des partenaires, que ce soit avec les Cuma, les distributeurs, les chambres d’agriculture ou encore les instituts techniques, ce que Bertrand Omon qualifie « d’innovation sociale », la distribution ne devrait-elle pas suivre la même voie ? « Les projets rassemblent, les organisations divisent. En se mettant ensemble pour produire de la connaissance et trouver des solutions, on sera tous gagnants, affirme Lancelot Leroy, de Terrena. Tout le monde est confronté aux mêmes grands sujets. Même si Terrena est une grosse coopérative, ça reste aussi des moyens limités. On a besoin de la connaissance des autres. » Il évoque aussi un besoin de rapprochement très pratico-pratique avec la recherche : « Il y a besoin que les chercheurs redéveloppent des connaissances systèmes pour qu’on passe le cap de la recherche fondamentale. » Laurent Maillard, de Be Api, prend l’exemple de l’agriculture de précision : « Les partenariats, c’est aussi une demande des agriculteurs, ils veulent des systèmes compatibles entre eux. »

Sortir des schémas de concurrence

« Sauf que j’ai le sentiment qu’on n’a jamais été aussi silotés et aussi cloisonnés qu’aujourd’hui », alerte Jean-Nicolas Simon, animateur de nos rencontres. « C’est dommage, oui, mais il faut que chacun garde quand même de l’indépendance pour différentes raisons », nuance Laurent Maillard. « Même ensemble, notre objectif de base reste la création de valeur, analyse Christophe Richardot, DG de Dijon céréales et de l’Alliance BFC, union de trois coopératives de Bourgogne-Franche-Comté. Même s’il y a le schéma de concurrence, on peut très bien trouver des ponts de collaboration, développer des choses avec Arvalis, Terres Inovia, fonctionner de concert avec les chambres d’agriculture. Nous sommes tous confrontés aux mêmes enjeux. » « Et des fois, il faut juste un peu casser les modes de fonctionnement et revoir la façon de partager l’information. Il y a des règles à travailler en amont et elles doivent être suffisamment transparentes », ajoute Lancelot Leroy. Michel Bottollier alerte toutefois sur la nécessité de rester agile : « On est sur des machines très compliquées et coûteuses. Ça serait bien de casser ces silos, mais ce n’est pas la peine non plus d’en faire des machines à gaz ! »

S’ouvrir au monde non agricole

« En tout cas, je n’ai pas l’impression que les autres secteurs d’activité se posent autant de questions que nous, le monde agricole, sur leur façon d’évoluer », se satisfait Sébastien Neveux, agriculteur. « On n’est pas en déficit d’endroits cristallisant un besoin de changement, analyse Xavier Reboud. On a les structures pour rapprocher les gens, mais on ne les mobilise peut-être pas à la hauteur de ce qu’il faut. » Pour lui, il faut accentuer « la notion de paysage multipartenaires » pour avancer, en impliquant l’ensemble des acteurs de l’innovation, y compris les utilisateurs, mais aussi les acteurs territoriaux. « On considère que les questions agricoles ne relèvent que de la responsabilité du monde agricole, alors que les bénéficiaires sont beaucoup plus nombreux », constate-t-il. Jean-Nicolas Simon alerte alors sur l’absence du monde agricole au Varenne de l’eau lancé quelques jours avant nos rencontres. Arnaud Clomenil défend tout de même une ouverture grandissante : « On commence à avoir des relations hors agricole, par exemple dans ma région avec les bassins de captage et les agences de l’eau. On essaie de retrouver en commun des choses, on n’est qu’au début mais ça existe quand même. »

« Comment peut-on arriver à faire en sorte de reconstituer le collectif ? Peut-être est-ce autour des enjeux territoriaux ? », questionne Jean-Nicolas Simon à la suite de l’évocation des projets alimentaires territoriaux. « Il y a des choses à inventer qui n’existent pas aujourd’hui, il faut un projet fédérateur », suggère Lancelot Leroy.

Une histoire d’hommes

Toutefois, malgré tous les moyens susceptibles d’être mobilisés, l’innovation repose avant tout sur des volontés individuelles. « Quand j’ai démarré avec les premiers dispositifs de la Pac, on ne nous donnait pas vraiment les moyens de réussir. Et pourtant quelques groupes ont quand même voulu y aller, raconte Bertrand Omon, de la chambre d’agriculture de Normandie. Et pourquoi ? Parce qu’ils en avaient dans le ventre socialement parlant, c’est-à-dire qu’ils avaient la volonté d’avancer. Lorsque vous savez où vous voulez aller et que ça rejoint les enjeux de bien commun, c’est beaucoup moins difficile de trouver des solutions. » Il en est de même pour la distribution, ce que confirme Emmanuel Bechet, de GN Solutions : « L’innovation est en grande partie, et heureusement, liée aux hommes. On a la capacité de faire des choses, certes avec certaines contraintes, mais il y a des bénéfices et des opportunités à saisir et c’est à nous de faire avancer les choses localement. »

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